Normalité...
Je suis normal. J'en suis certain. Pas mal de monde dit le contraire, mais je le sais. Je le sais parce que pendant longtemps j'ai cru le contraire, que j'étais spécial, au-dessus du lot, mais finalement, ça me va très bien d'être normal.
Alors du coup je ne comprends plus : alors qu'enfin je me sens en pris avec le monde qui m'entoure, que je me dis que qui qu'on soit, il faut se battre dans la vie pour obtenir ce qu'on veut, la médiocrité conformiste me saute au visage à chaque coin de rue. Je ne pense pas être aigri, j'aime les choses de la vie... Mais les gens de ce monde n'ont-ils donc plus aucune fierté ? La télévision... Ce vecteur fabuleux du 'Donne-moi du pire que moi'... Toutes ces émissions de "coaching" (avec tout ce qu'il faut de guillemets) où des personnes qui se disent qu'elles ont 'envie de faire changer les choses' font sciemment la démarche de mettre jusqu'à leur dernier soupçon d'orgueil et de fierté à la poubelle et de faire venir une inconnue pour résoudre leurs problèmes en prime time devant des millions de paires d'yeux avides de voyeurisme, d'ordinaire sensationnel et d'autosuffisance débonnaire. 'Mon gosse de 5 ans m'insulte déjà', 'Mon appartement est un tel bordel que je n'oserais pas y amener le chien de ma belle-mère', 'Je n'ai aucune imagination pour décorer mon appartement', 'Je ne suis pas foutu de me faire respecter ma mon ado de 16 ans', Je suis monomaniaque et fier de l'être'...
Je m'égare... En soi l'acte d'aller demander de l'aide ne m'ulcère pas plus que cela. Je salue même le courage qu'il faut pour ravaler son orgueil et oser demander à quelqu'un 'Aidez-moi'. Personnellement je sais que c'est l'une des phrases que j'ai le plus de mal à dire. En soi, l'acte de communiquer à la terre entière ses pensées profondes ne me dérange pas non plus... Preuve en est c'est ce que je suis en train de faire à l'instant même. Ce qui m'horripile, c'est de faire les deux. Le pouvoir de l'objectif, la grandeur de l'image. On me voit donc je suis. 'Je me roule dans la fange de ma vie, mais on m'aide et des gens le voie, donc au moins, c'est de la fange médiatique' .
Au final, cela me fait aboutir à deux pensées. La première, c'est que toutes ces personnes, avec leurs différents soucis ô combien existentiels, voient la télévision comme une thérapie. Dans nos périodes troublées où les religions ne rassemblent plus, les humains se cherchent une entité supérieure... Et cette petite boîte cubique d'où sortent les divines images et paraboles peut facilement s'idolâtrer comme un Messie... 'Dieu a entendu ma prière et m'a envoyé l'un de ses prophètes en (é)misssion dans mon humble demeure : mon salut est proche, l'absolution me guette, et mon martyr sera loué par les fidèles (téléspéctateurs) pour les siècles des siècles !! Pub'.
La seconde pensée m'inquiète plus. Oui la première à la limite peut êrte assez salutaire. Notre bon ami Marx ne disait-il pas que 'la religion est l'opium du peuple' ? Vous voulez contrôler les foules, contrôlez leur Dieu - nous aborderons le thème cher à notre Président de l'indépendance des médias plus tard. Si c'est pire chez les autres, c'est que ce n'est finalement pas si mal chez moi : pourquoi faire des efforts. Ah les effets pervers de la mondialisation : en un instant, on peut trouver le pire et le meilleur. Pour peu qu'on soit un peu fainéant, tant qu'on atteint pas le pire, pas la peine de bouger, et comme le meilleur existe déjà, pourquoi se fatiguer : avant même de commencer j'ai déjà trouvé mon maître.
Je suis normal, mais la normalité glisse peu à peu vers la médiocrité. Et je m'en désole. Suis-je anormal ?